Que peut-il y avoir de commun entre toutes ces villes : Bruxelles, Casablanca, Rabat, Tunis, Montréal, Paris, Rouen, Issy, Dinard, Limoges, Lyon, Toulouse, Montpellier, Marseille, Toulon, Le Mans, Roanne,… et Notre-Dame de Liesse ?

Eh bien, un personnage, né à Liesse et dont la renommée a même dépassé toutes ces villes pour s'étendre dans plus de 44 pays du monde :

 

 

 

 

L'Abbé Emile Duployé,
inventeur d'une méthode de sténographie !

 

(1833-1912)

 

Sa famille

Ses parents

François Duployé
Né le 1er Pluviose, An XII, à Liesse.
Fils de Louis, fondeur en cuivre et de Josèphe Antoine.
Fabricant d'objet en cuivre puis Bijoutier.
Décédé le 10 mars 1869 à Paris.

Francine Clerjot
Née le 10 avril 1812 à Liesse.
Fille de Jean Claude et Marie-Antoinette Tanquart.
(Dans la famille Tanquart, on retrouvera plusieurs autres ecclésiastiques.)
Décédée le 9 juillet 1874 à Liesse.

François Duployé et Francine Clerjot se sont mariés à Liesse le 21 Avril 1828.
Tous deux sont inhumés à Liesse, dans la même tombe qu'Emile.

Ses frères

Henri Charles Duployé
Né le 9 novembre 1831.
Décédé le 6 octobre 1832.

Aldoric (Edouard) Duployé
Né le 5 avril 1836 à Liesse.
Il a été curé doyen de Craonne, puis chanoine honoraire de Soissons.
Décédé le 1er septembre 1908 à Sinceny, chez son frère Emile, curé de Sinceny (inhumé à Craonne).

Jules (François) Duployé
Né le 3 janvier 1842 à Liesse.
Il a débuté comme bijoutier à Liesse.
(Son oncle Hector Fresson, boulanger, est un ancêtre de l'acteur Bernard Fresson.)
Décédé le 25 septembre 1897 à L'Hay, où il est inhumé.

Gustave Duployé
Né le 10 juin 1847.
A été sténographe du Sénat et de la Compagnie de Suez.
(Il avait 13 ans lorsque son frère publia ses premiers essais de sténographie.)
Décédé le 12 février 1919.
Inhumé à Saint Maur.

 

 

 

 

 

 

Ce buste d'Emile Duployé a été réalisé en 1880 par Gustave Bogino et les Ateliers de Val d'Osne (52), fondeurs à Paris
(Stèle funéraire de Liesse).

Quelques notes sur la vie et l'oeuvre d'Emile Duployé

Sur le cursus de la vie ecclésiastique d'Emile Duployé

Emile Duployé est né le 10 septembre 1833 à Notre-Dame de Liesse (Aisne).
Il avait 3 frères. Deux d’entre eux se sont occupés avec lui de la sténographie :

  • Aldoric (Edouard), également prêtre, qui a collaboré avec son frère Emile à la rédaction du Livre « Histoire de Liesse, légende et pèlerinages », deux volumes publiés en 1862 et qui constituent encore aujourd’hui, pour les chercheurs, par la richesse de leurs documents depuis disparus, une mine de renseignements sur le passé religieux de Liesse. 
  • et Gustave, qui a été sténographe pour la Compagnie de Suez et au Sénat.

(Il serait intéressant de savoir si Gustave y a utilisé la méthode de son frère car, ainsi, il lui faisait de la publicité)

Emile a fait ses études secondaires ecclésiastiques dans les écoles et séminaires de Liesse, Laon et Soissons, de 1843 à 1851 (en même temps que son frère Aldoric).
Au séminaire, Emile et Aldoric recevront des cours de sténo, selon la méthode de Aimé Paris, dispensée par M. Potel, de Dieppe.
Emile a été ordonné prêtre le 18 juin 1859. Il a été vicaire et aumônier du collège de Laon.
De 1865 à 1870, il a été curé de Montigny en Arrouaise, petit bourg des environs de Bohain.
En juillet 1870, il a été autorisé par son évêque à se fixer à Paris où il pourra poursuivre ses travaux sur la sténographie et se livrer à la vulgarisation de son œuvre.
A Paris, Il fut d’abord vicaire de Saint Nicolas des Champs, puis aumônier d’une maison d’éducation et d’un couvent de religieuses à Montrouge.
Il fut ensuite desservant de la Chapelle Saint André à Montreuil-sous-Bois.
En 1887, il revint dans le département de l’Aisne où il occupa un poste de curé à Aizelles, près de Corbeny, de 1887 à 1889.
De 1889 à 1908, il a été curé de Sinceny, près de Chauny. C’est d’ailleurs chez lui, à Sinceny, que son frère Aldoric est décédé le 1° septembre 1908 (bien que son nom figure sur la tombe familiale de Liesse, Aldoric a été inhumé à Craonne).
Après la mort de son frère, Emile s’est retiré à Saint Maur des Fossés où il est décédé le 9 mai 1912, en l’Abbaye du Sacré Cœur .
A sa demande, sa dépouille fut ramenée et inhumée à Liesse, dans le caveau familial, le 13 mai 1912. 

A propos de sa méthode de sténographie

Potel, le professeur de Dieppe qui, à cette époque, sillonnait la France pour enseigner la sténographie dans les séminaires, collèges et pensions, avait adopté la méthode d’Aimé Paris, dérivée de celle de Conen de Prépéan. Emile trouvait que la sténographie pouvait être un formidable outil de lecture et d’écriture et, plus tard il cherchera à simplifier cette méthode.
Emile Duployé estimait que cette méthode présentait, dans sa lecture et son peu de rapidité, des difficultés qui décourageaient les plus laborieux.
S’appuyant sur ce que la méthode d’Aimé Paris pouvait avoir de positif, Emile Duployé s’évertua à mettre au point une nouvelle méthode plus complète, plus parfaite et surtout plus simple : ainsi, avec 28 signes différents, il représenta tous les sons de la langue française.
Dès 1860, Emile et son frère Aldoric publièrent une première mouture de « La méthode pratique de sténographie » mais le système qui y était exposé était très comparable à celui de Aimé Paris.

Ce n’est qu’en 1867 que parut la « Sténographie Duployé » proprement dite.

Emile entreprit alors de propager sa méthode avec tous les moyens dont il put disposer et il ne ménagea ni ses moyens financiers, ni sa peine, pour en faire la publicité ! Sa méthode attira bien vite de nombreux disciples et ce fut, là, sa meilleure reconnaissance. Il créa, à Paris d’abord puis en province, de nombreux organes de sténographie comme des bibliothèques où l’on trouvait des centaines d’ouvrages imprimés avec les signes de « l’alphabet Duployé ». Emile Duployé voyait sa méthode comme « une écriture ultra facile  permettant d’instruire et moraliser les masses ». Cette phrase figure au dos de sa stèle au cimetière de Liesse.

En 1867, à l’Exposition Provinciale de Compiègne, il obtint une première reconnaissance publique puis, en 1873, un diplôme de mérite lui fut décerné à l’Exposition Universelle de Vienne. De nombreuses marques de reconnaissance suivirent, notamment une Médaille d’Or aux Expositions Universelles et Internationales de Paris, 1878, 1889 et 1900, puis à Saint Louis en 1900, à Liège en 1905 et à Londres en 1908 !

Ses publications et créations

Emile Duployé publia, en 1869, le premier journal sténographique, « Le Sténographe », qui devint assez vite hebdomadaire et atteignit très vite les 1500 abonnés.
Cette même année 1869, à Charly, dans l’Aisne, Emile Duployé créa la première Association Sténographique de France.
n 1872, il créa le journal « La Dictée », changée en « Lumière Sténographique », en 1891.
Toujours en 1872, Emile fonda l’Institut Sténographique des Deux Mondes, institut autorisé par Arrêté du Préfet de la Seine en date du 18 janvier 1872. 
En 1879, le Sténographe est publié au format de la grande presse. En 1882, Emile en change le titre en celui de « Journal des Sténographes » qui deviendra bientôt l’organe de l’Institut Sténographique de France !

Ses travaux sur la sténographie ont fait d’Emile Duployé, un homme connu dans de nombreux pays en Europe - surtout en Suisse - et jusqu’au Canada. Sa reconnaissance perdure dans plus de 15 grandes villes de France qui ont une rue dédiée à Emile Duployé.
Sa méthode, aujourd’hui menacée par la technologie moderne d’enregistrement, était encore, il y a peu de temps, une des trois les plus enseignées après celle de Prévot-Delaunay et celle d’Aimé Paris.
Si, à Liesse, quelques personnes ont pratiqué la méthode Duployé, c'est surtout au sud de la Loire que cete méthode a prédominé.

La Tombe d'Emile Duployé au cimetière de Liesse

La tombe d'Emile Duployé regroupe les dépouilles de ses parents et rappelle la vie de ses frères.
Cette tombe porte, sur sa croix, sa dalle et sa stèle, les marques de tout ce qui fut l'engagement, à la fois social et religieux de la vie de ce personnage peu commun.
Pour beaucoup de visiteurs, ce n'est qu'une simple croix de fer forgé comme il en existe tant ; mais pour ceux qui savent lire la sténographie de Duployé, les volutes et les courbes ont une toute autre signification ! Quelques temps avant sa mort, Emile avait sollicité l'Institut Catholique des Arts et Métiers de Lille afin de se faire réaliser une croix de fer forgé destinée à son futur tombeau. C'est Henri RICHARD, collaborateur de Duployé au Journal sténographique « La Lumière » qui dessina le projet de cette croix très spéciale !
Selon le souhait d'Emile, l'inscription qu'il avait choisie : « IN CRUCE SALUS », figure en caractères sténographiques, tout le long de la croix et au centre on découvre son buste en métal léger réalisé par Bogino en 1880, aux Ateliers de Val d'Osne, fondeurs à Paris.
Les bras et la tête de la croix sont terminés par le mot sténographique : « CRUCE » et leur jonction, à l'arrière, est couverte par une sorte de rosace formant auréole autour de la tête du Christ, auréole dessinée par le mot « IN » plusieurs fois répété et entrelacé.
Les fers servant de montant à la croix sont réunis entre eux par des fers plus petits formant le mot « SALUS ». Toute la phrase : « IN CRUCE SALUS » dessine ainsi la croix où fut fixé un christ en bronze.
Le pied de la croix se sépare en deux parties formant une sorte de niche où l'on placera le buste et ces deux parties sont formées par les signes des mots : « sténographie Duployé », qui sont entrelacés par des petits fers signifiant encore « in cruce salus » (bien sûr, pour la symétrie de l'ensemble du dessin, ces caractères sont représentés en double exemplaire et en symétrie, donc un sur deux est inversé !).

Inscriptions figurant sur la dalle et sur la stèle
 

Sur la dalle, au pied de la croix :

EVANGELIZARE
PAUPERIBUS


(évangéliser les masses : ce qui est repris et traduit à l'arrière)

Puis le sigle marial

M

entretissé de fleurs de lys, symbole de son engagement au sein de l'Eglise, et dévotion à Marie vénérée à Liesse, comme l'exprime le texte qui l'accompagne et écrit lui aussi en caractères sténographiques de Duployé, qui se traduit par :

Merci à Marie, la cause de notre joie à tous.

La tombe ne présente pas d'autres signes de sténo que ceux de la croix, de la stèle et de la dalle (voir photos)

La croix est portée par une stèle de pierre noire écrite sur les 4 faces.

Sur la face avant de la stèle, on lit :
EMILE DUPLOYE
CURE DE SINCENY
CHANOINE HONORAIRE DE SOISSONS
NE A N-D DE LIESSE
LE 10 SEPTEMBRE 1833
DECEDE A SAINT MAUR (SEINE)
LE 9 MAI 1912
INHUME ICI

Sur la face arrirère, au dos de la stèle :
PAR
LA  STENOGRAPHIE
DUPLOYE,
ECRITURE
ULTRA FACILE,
INSTRUIRE
ET
MORALISER
LES MASSES

Sur la face de gauche :
TOUS NES A N-D DE LIESSE
ALDORIC DUPLOYE
CURE DOYEN DE CRAONNE
CHAN. HON. DE SOISSONS
NE LE 5 AVRIL 1836
DECEDE A SINCENY LE 1° SEPT. 1908
INHUME A CRAONNE

-----
JULES DUPLOYE
BIJOUTIER
NE LE 5 JANVIER 1842
DECEDE ET INHUME A L'HAY LE 25 SEPT 1897
-------
GUSTAVE DUPLOYE
STENOGRAPHE DU SENAT ET DE LA CIE DE SUEZ
NE LE 10 JUIN 1847
DECEDE LE 12 FEVRIER 1919
INHUME A ST MAUR

Et sur la face de droite, enfin, les parents d'Emile :
TOUS EUX INHUMES ICI
FRANCOIS DUPLOYE
BIJOUTIER
NE A N-D DE LIESSE
DECEDE A PARIS LE 10 MARS 1869
AGE DE 65 ANS
-------
FRANCINE CLERJOT
EPOUSE DUPLOYE
NEE A N-D DE LIESSE
DECEDEE A LIESSE LE 9 JUILLET 1874
AGEE DE 62 ANS

Les textes des quatre faces de la stèle sont encadrés d'un liseré.
Sur la moitié gauche de chaque face, le liseré, aux angles et aux centres haut et bas, présente des caractères de sténographie reproduits en miroir sur la moitié droite et qui signifient :

Merci à Marie, la cause de notre joie à tous.
 

 

 

 

 

 

Traduction des signes de sténographie de la tombe dans le système Duployé