Le 11 mai 1854, Monsieur Antoine Nicolas Henry Bailly - Mauroy, propriétaire à Soissons, posait la première pierre de l’Hôtel de Ville de Liesse qui allait s’élever grâce au don généreux de 25 000 F qu’il a voulu faire à son pays natal. Une inscription commémorative de cette œuvre de charité et de bienfaisance de M. Bailly a été placée sous la première pierre, avec différentes pièces de monnaie au millésime de 1854.

Cette cérémonie marquait l’aboutissement de 4 ans de réflexion et de concertation dans un projet qui allait initier toute une série de transformations dans la physionomie de notre commune.

Revenons en arrière afin de suivre l’évolution de ce projet !

Le 16 mai 1850, le Maire informe ses conseillers que M. Bailly a fait devant notaire la promesse d’un don de 25 000 F à la commune à la condition expresse que cette somme soit employée à la construction d’un nouvel Hôtel de Ville sur la place de l’ancienne Halle, un Hôtel de Ville qui conviendra mieux à ses besoins et qui embellira sa ville natale. Depuis 1825, en effet, à peu d’exception près, tous les villages alentours possèdent une Mairie en rapport avec leur importance et partout cet édifice se fait remarquer par un certain air d’élégance qui le distingue du reste des habitations. Ce projet émergeant à la fin des temps difficiles d’après la Révolution de 1848 est accueilli comme une bonne occasion de donner travail et pain à un certain nombre d’ouvriers de la région et la proposition d’acceptation du don est adressée à M. le Préfet. Celui-ci délègue alors un agent - voyer pour constater si le projet est réalisable. Dans son rapport, celui-ci précise que si la construction avait lieu, il n’y aurait plus assez de place pour la tenue des foires et marchés, ce qui devient évident à l’observation du plan des lieux à cette époque. Depuis la démolition de l’ancienne halle, ces marchés ont pris une telle ampleur qu’il est impossible de les accueillir sur aucune des autres places de Liesse. La solution ne pourrait alors passer que par l’alignement, voire l’expropriation, des maisons qui bordent la place.
(Ces maisons se situeraient aujourd’hui en biais entre « 8 à Huit » et la porte de l’Hôtel de Ville, à la place du monument, l’emplacement de la place Bailly étant tenu par des jardins tout en longueur à l’image de ceux des autres maisons de la place actuelle)

Des démarches sont entreprises en ce sens mais des difficultés surgissent entre la municipalité et les propriétaires dont un, surtout, qui ne veut rien entendre ou qui prétend obtenir de sa propriété dix fois le prix qu’il l’a payée !!!

En apprenant que l’on ne peut lui donner entière satisfaction dans son idée d’agrandissement de la façade de la mairie, M. Bailly décide de réduire son don à 20 000 F réservés à la construction et sans en accorder un centime à l’achat de terrain nouveau. Le conseil se trouve alors dans l’obligation d’acquérir des terrains pour arriver à l’alignement et à l’agrandissement de la façade de la Mairie sans pouvoir y utiliser une partie du don. Dans l’éventualité d’un dénouement qui ne pourrait ni aboutir ni satisfaire le donateur, le conseil propose de refuser ce don et va même jusqu’à envisager de demander à M. Bailly le remboursement des frais occasionnés à la commune dans l’étude de ce projet. Comme on peut le constater, l’affaire est mal engagée et elle va traîner ainsi jusqu’en février 1852, date à laquelle le Préfet demande des explications sur ce refus qui, même réduit à 20 000 F, ne devrait être que bénéfique à la commune. Les tractations à l’amiable ne conduisant à rien de positif, le conseil sollicite du Gouvernement une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Un autre état de fait prend alors toute son importance : à cette époque, il existe un chemin qui permet aux habitants de la rue principale d’aller jusqu’au lavoir (il était situé sur le fossé aujourd’hui tari, devant l’actuel «Restaurant de la Tourbière»).

Ce chemin traverse jardins et cours des maisons concernées par l’expropriation, en particulier la cour du Sieur Chappelet, le plus rétif à ce projet. Il est loué par la commune et n’autorise que le passage des piétons et des brouettes mais ne peut pas être utilisé par des voitures. On envisage alors de créer, là, une rue aux dimensions en rapport avec les besoins nouveaux mais là aussi, ce projet ne peut se faire que si la commune se rend propriétaire des maisons Jardinier et Danet. Si on laisse de côté les prétentions exagérées des propriétaires, il apparaît un autre problème : la largeur de ces terrains serait bien trop importante pour la largeur d’une rue. Le conseil étudie la possibilité éventuelle d’y construire une nouvelle caserne de gendarmerie qui est devenue nécessaire. La vente à des particuliers de l’ancienne caserne fractionnée en cinq lots, la vente des matériaux de la maison Jardinier et la vente d’une parcelle de marais procureraient largement les fonds qui, associés au don de M. Bailly, devraient permettre la réalisation de tous les projets. Le conseil opte donc, en décembre 1852 pour la construction d’une nouvelle mairie à l’emplacement de l’ancienne, puis pour la réalisation d’une rue permettant à chacun d’accéder au lavoir et enfin pour la construction d’une caserne sur l’emplacement restant disponible.

L’expropriation du Sieur Chappelet ne se fait pas, hélas, aussi facilement que le Conseil le souhaiterait. Elle va, de procès en procès, durer jusqu’à la guerre de 1870 ! L’autorisation de construire la nouvelle gendarmerie est ajournée en décembre 1853. Le Conseil Municipal dissocie alors les divers projets et décide de lancer sans plus tarder la construction de l’Hôtel de Ville, ce qui est officiellement fait le 11 mai 1854.

Par la suite, la nouvelle caserne de gendarmerie sera bien construite mais route de Chivres ; l’ancienne caserne située à l’angle de la Cense aux Eaux et de la Rue de la Caserne (actuelle rue Alcide Sénéchal) est vendue pour 6 000 F. Le tracé définitif du chemin CD n° 1 jusqu’au lavoir est adopté le 27 août 1855. Cette rue, établie à la place des trois terrains et maisons, porte initialement le nom de Rue Bailly ; des particuliers entreprennent alors la construction de maisons le long de cette voie nouvelle puis, en 1852, sans motif sérieux, l’administration municipale, par oubli de sa convention acceptée, substitue, à la dénomination de Rue Bailly celle de Place de la Réunion. En décembre 1871, vu la largeur de cette voie qui va de la place de l’Hôtel de Ville au lavoir, on décide de l’appeler Place et non plus rue et on lui donne le nom de Place Bailly. Un peu plus tard, la rue nouvellement créée qui joint cette place au cimetière, rue à qui on a donné le nom de rue Bailly, deviendra « rue Crémont ».

Le 27 août 1855, quittance est donnée à M. Bailly qui, satisfait dans ses désirs de réalisation, verse, la somme de 25 000 F, soit 20 000 F comme précisé dans l’arrêté municipal du 15 novembre 1852 et 5 000 F comme produit d’une souscription qu’il a lancé le 12 janvier 1854.

La réception définitive des travaux de l’Hôtel de Ville se fait le 22 novembre 1856, en même temps que ceux de la caserne de Gendarmerie, en présence de M. Gagnon, architecte du Département, auteur des projets. On ajoute, pour l’achèvement complet de l’édifice une horloge réalisée par M. Itasse – Dupin, horloger à Liesse et une cloche fondue par M. Cannois, fondeur à Laon. En raison de la faillite de l’entreprise Delorme, les dallages des trottoirs de l’Hôtel de Ville ne sont posés qu’en 1857 mais le projet est enfin concrétisé ! Ainsi, les nombreux pèlerins qui se rendent à Liesse les 16 -17 et 18 août 1857 pour les Fêtes du Couronnement de la Vierge peuvent-ils admirer ce tout récent Hôtel de Ville qui porte fièrement à son fronton la date de MDCCCLIV , date de la pose de sa première pierre et qui perpétue la mémoire d’un enfant du pays, son généreux donateur, Antoine Nicolas Henry Bailly.

Sur cet extrait du cadastre de 1826, on voit bien les propriétés qui se tenaient à l’emplacement de la future place Bailly.

Sur la place figure encore la Grande Halle en bois créée à la suite de l’ouverture d’un marché Franc à Liesse.
C’est la Duchesse de Marchais, la Duchesse de Brunswick qui, en 1715, avait sollicité, du Roi Louis XIV, l’autorisation d’ouverture de ce marché franc à Liesse, en raison des pèlerinages.

(Jean PESTEL)