Une famille directement concernée dans la libération de Liesse (15-16 octobre 1918)

Le 10 octobre 1918, les Allemands décident de faire évacuer la ville de Liesse car ils savent bien que les troupes françaises ne sont plus très loin. Les jeunes gens et les hommes valides sont envoyés en cortège vers Fourmies. Les vieillards, les femmes et les enfants sont envoyés à pieds sur Marchais avec, pour consigne, de se faire libérer par les "troupes françaises".
Il ne reste alors à Liesse que des soldats allemands.

A Liesse, il y a 3 kommandanturs

  • une d'étape à la mairie (elle gère les troupes en déplacements).
  • une pour la région proche, derrière la mairie (ex maison Douchain) (un clou à gauche de la porte d'entrée reste, sur la façade de briques, le témoin des affichages qui s'y faisaient).
  • une troisième, communale en quelque sorte, au coin de la ruelle dite aujourd'hui ruelle Alcide Caurette (autrefois, au numéro 46 du Faubourg de Reims - aujourd'hui le 2 rue du Maréchal Leclerc ; c'était, avant le début du 20ème siècle, une école tenue par les Frères des Ecoles Chrétiennes, rachetées après 1905 par M. DUVAL Cléophas).

Lorsque, le 15 octobre 1918 en fin d'après-midi, le Commandant de Chomereau de Saint André contourne Liesse par le parc du château de Marchais pour entrer dans les cantonnements allemands du bois dit de Liesse entre Liesse, Sainte Suzanne et le parc de Marchais, les Officiers abandonnent les Kommandanturs et partent vers Missy Les Pierrepont d'où ils gagneront la ligne Hundig au-delà de Chivres.
Les Français commencent alors une opération de nettoyage, maison par maison, opération qui se terminera en début de nuit ; le lendemain matin, les troupes allemandes auront abandonné le terrain.

Lorsque les Français pénètrent dans la Kommandantur de la ruelle, ils vont découvrir une femme âgée d'environ 45 ans, qui est tapie, enfermée mais à l'abri, dans la cave. C'est la femme que les officiers avaient réquisitionnée pour assurer la confection de leurs repas ; son mari était tenu d'assurer la maintenance de la maison. Les Allemands avaient renvoyé le mari avec les évacués mais ils avaient gardé, auprès d'eux, cette femme cuisinière, jusqu'au dernier moment.

Ces faits, relatés dans les notes personnelles du Commandant de Chomereau, ont été également inscrits dans le Livre de bord officiel du régiment : JMO du 48° Bataillon de Chasseurs à Pieds (JMO : Journal de Marche et des Opérations).

Après l'évacuation totale de la population de Liesse, cette personne avait été obligée d'assurer ses services jusqu'au départ des derniers officiers, et, pour la protéger, les Allemands, sur le départ, l'avaient enfermée à la cave  avant l'arrivée des Français.
De ce fait, elle a été la seule personne de Liesse qui aura vécu la libération de la commune sans avoir pu vraiment y assister puisqu'elle n'a été libérée qu'après le départ des Allemands.

C'était une des ancêtres de la famille des Duval.
Elle s'appelait Eugénie Irma Proix (décédée le 21 septembre 1954 à Liesse).
Elle était l'épouse de Cléophas Eternel Arsène Duval (décédé le 14 mars 1958 à Liesse).
(Tous deux grands-parents de Henri, Paul, Gustave et Jacqueline Cassagne-Duval).

A part sa privation de liberté, elle n'eut pas trop à se plaindre des Allemands qui s'occupèrent bien d'elle lorsqu'elle fut malade suite à des malaises cardiaques.

Une anecdote à propos de son époux Cléophas :
Lorsque les Allemands prirent possession de leur maison, ils trouvèrent, à la cave, une bonne réserve de tonneaux de vin - ce vin qu'appréciait Cléophas. Mais avant d'en boire, les Allemands firent descendre Cléophas à la cave et l'obligèrent à boire un verre de chacun des tonneaux afin de s'assurer que le vin n'avait pas été empoisonné. Il paraît que Cléophas est ressorti de cette cave dans un état d'ivresse bien compréhensible.
Du coup, Cléophas devint très méfiant sur les agissements des occupants !

(écrit d'après les souvenirs de Jacqueline Duval-Cassagne)

Jean PESTEL
Juin 2018