Le Commandant de Chomereaux écrit dans ses carnets, après la prise de Liesse :
          "le contact est maintenant sur le canal (de la Souche)".

Le Prince Louis de Monaco qui arrive à Liesse et Marchais sur les traces du 48° BCP écrit, dans ses lettres du 15 et du 16 octobre 1918 : 
         "Les boches ont parsemé le marais de blockhaus et de pill-boxes en pierres, amplement garnis de mitrailleuses et d'une solidité à toute épreuve ...
     et encore : 
          "de Bénicourt à Marengo, le boche résiste dur dans le fond des marais ... "

Le Commandant de Chomereaux écrit encore, le 1er novembre :
          "le niveau des eaux du marais montent sensiblement".

Mais ni le Prince ni le Commandant ne savent encore quel coup ont préparé les Allemands !

En abandonnant les villages de Marchais et de Liesse, les Allemands se replient au delà des marais et de la Souche, sur la position Hunding, qui devient, selon Gabriel Hanotaux * : 
          "leur dernière citadelle sur la terre de France".
Gabriel Hanotaux , historien et homme politique français né à Beaurevoir (Aisne).

Le 13 octobre, la VII° Armée Allemande est installée sur son nouveau front, immédiatement en arrière de la Souche.

Pour protéger leur retraite, les Allemands ont inondé tout le marais en détruisant une grande partie du réseau d'assèchement.

Ils comptent ainsi retarder l'avance des Français, tout comme les Belges ont fait pour eux dans le canton de l'Yser en 1914 ! Mais, contournant le marais par Sissonne, l'Armée Française oblige les Allemands à remonter vers Marle et vers la vallée de la Serre où, du 19 au 27 octobre 1918, aura lieu la bataille victorieuse de la Serre, menée par la X° Armée Française de Mangin.

Les marais de la Souche sont ainsi reconquis et l'ennemi est repoussé vers La Capelle où il se trouvera pour solliciter la signature de l'Armistice, le 7 novembre 1918.

 

Conséquences de la destruction de ces digues

Sur le plan hydrologique, les efforts d'assèchement sont pratiquement anéantis par les années de guerre : 

  • d'une part, avant 1918, et du fait de l'occupation militaire des marais, aucun travail d'entretien du réseau n'a été effectué alors même que les années 1915-1918 ont été très médiocres, au plan de la météo, c'est-à-dire froides et pluvieuses, ce qui a eu pour effet d'accentuer la montée du niveau des eaux ;
  • d'autre part, le réseau d'assèchement détruit ne pourra être que partiellement reconstruit : en effet, en 1941, soit 23 ans après cette inondation volontaire, on peut encore lire : 

"depuis ces faits, les fossés ont été en grande partie comblés et la vase s'est amoncelée dans le lit des cours d'eau. On peut estimer à 80 kms (sur 160) la longueur des fossés ne fonctionnant pas. Il s'ensuit qu'aux fortes pluies les terrains et pâtures restent submergés par les eaux. Ces inondations ont eu - et ont encore - une fâcheuse répercussion sur la mise en valeur de ces prairies et des terres arables avoisinantes."

                                                                                                                   (archives du Syndicat des Marais, 1941)

Ainsi, en rendant inactive la moitié des canaux et en élevant d'un mètre le niveau des écoulements dans les principaux canaux, ces faits constituent le premier et principal événement hydrologique du marais depuis son assèchement (1831) et, conjugué au manque de main d'oeuvre dû au grand nombre de morts et de blessés à la guerre, c'est certainement une des causes de l'abandon progressif de l'exploitation des tourbières devenues peu accessibles, des jardins maraîchers et de nombreuses terres et pâtures de la zone marginale du marais.

De plus, les habitants qui avaient creusé des pièces d'eau depuis 1919 se sont opposés à la remise au niveau d'origine de peur de voir le fond de leurs étangs ! Le niveau de l'eau se trouve donc 1 mètre plus haut qu'avant la guerre de 14-18 !

Ce sont les italiens qui, au départ de Marchais, vont se battre sur Bénicourt, Marengo, les abords du canal et vers le Mont d'Isle où l'on retrouvera des corps de soldats italiens tués en octobre et début novembre.
(voir fiches jointes et lettres du Prince Louis écrites les 15 et 16 octobre).

 

Mes commentaires personnels

Aujourd'hui encore, on peut voir, à la limite de Marchais et de Sissonne, entre le Pavillon des Eaux et la ferme de Villette, des blockhaus qui gardent le sommet de la butte de l'Espérance, face au marais et à Marengo. Il y en a un troisième contre la ferme de Villette et un quatrième contre le bâtiment sud du Pavillon des Eaux. Il y en a également à l'entrée de Chivres. Tous ne sont pas répertoriés. Il doit y en avoir bien d'autres tout le long de l'ancienne ligne Hundig !
 

(Jean PESTEL)